Un an après « le Voyage d’Octavio », délicieux premier roman en forme de conte picaresque, c’est un autre genre de périple que raconte ici Miguel Bonnefoy : ce jeune Vénézuélien s’est laissé embarquer, pendant deux semaines, dans une forêt amazonienne où « peu de choses figurent sur une carte ». Elle s’est avérée pleine de mygales, de trous particulièrement traîtres, et de rongeurs gros comme des chats qui ont attaqué ses sacs de nourriture. Il y a découvert ce qu’est la panique, mais a aussi compris qu’« on contemple la jungle comme on contemple un ciel étoilé : rien ne bouge, et cependant tout semble habité ». Il s’est demandé « comment tailler un adjectif pour qu’il ait la forme d’une racine », et a cherché des mots pour dire l’indicible « sensation de la jungle, ce mélange de resserrement et d’immensité, cette impression d’être soumis à sa grandeur et la révolte qu’elle génère ». Il les a souvent trouvés ; on transpire en le lisant. C’est un écrivain qu’il faudra suivre à la trace.

Article de Grégoire Leménager à propos du livre Jungle, et publié en mars 2016 dans L'OBS.