En 2014, Miguel Bonnefoy décide de prendre part a une expédition au Venezuela. Il va, sans préparation spécifique, pénétrer dans la jungle jusqu’au Kerepakupai Vena, la plus haute cascade du monde, qu’on attaque en quatorze longs rappels par la Gorge du Diable. Dans ce carnet de voyage très particulier, il décrit l’exaltation devant la beauté et aussi la peur la plus incontrôlable. Certes, le jeune homme idéaliste n’est pas seul. II a un guide sérieux qui ne le quitte pas, des porteurs, une équipe filmant l’aventure. Mais la nature n’est pas douce pour les naïfs. Les pieds dans des marécages, les mains dans le grouillement végétal, les nuits de bivouac où les bêtes éventrent les sacs de provisions, les marches épuisantes dans le brouillard… s’effaceront pourtant devant
la magie de la quête. Ce beau texte semble dicté par un quotidien de plus en plus farouche. L’auteur ne manque pas d’humour quand il se moque de sa peur du vide, ni de puissance lorsqu’on
découvre comme le narrateur le sens de l’expérience extrême.

On avait aimé Le Vovage d’Octavio, roman d’apprentissage paru l’an dernier. Jungle est de la même trempe littéraire. Poursuivant son hymne au Venezuela dont il est en partie originaire. Miguel Bonnefoy saisit la gourmandise des hommes devant l’immensité du monde une volonté absurde et nécessaire d’aller plus haut, plus loin, pour se retrouver et s’abandonner enfin, comme repus et grandi.

Article de Christine Ferniot à propos du livre Jungle, et publié en février 2016 dans Lire.