Un Vénézuélien redonne vie au roman picaresque 

Lauréat du prix du Jeune Écrivain de langue française en 2013 pour sa nouvelle «Icare», Miguel Bonnefoy est de nationalité vénézuélienne. «Le voyage d’Octavio» est son premier roman.

La bonne nouvelle de ce début d’année, c’est qu’il existe encore des romans picaresques qui vous font voyager dans des contrées luxuriantes et dont le pauvre hère qui en est le héros vous serre le cœur tant sa déréliction est poignante.

Don Octavio, un personnage très discret bien que physiquement aussi robuste qu’un arbre, vit chaque jour une tragédie en tentant de cacher qu’il ne sait ni lire ni écrire. Il vit dans un village du Venezuela au début du XXe siècle, à cette époque où la peste connaît du regain dans le pays.

Son existence est faite de labeur, de silence et de manœuvres destinées à dissimuler son handicap, par exemple il se coupe une partie de la paume pour justifier qu’il ne peut écrire avec une main blessée.

L’analphabétisme se vit comme une maladie, une maladie honteuse – même le médecin d’Octavio ignore qu’il est illettré. Personne n’apprend à dire qu’il ne sait ni lire ni écrire. Cela ne s’apprend pas. Cela se tient dans une profondeur qui n’a pas de structure, pas de jour. C’est une religion qui n’exige pas d’aveu, écrit Miguel Bonnefoy. Mais la vie des grands hommes a ceci de particulier que certaines rencontres les propulsent dans un nouvel univers et qu’ils savent saisir leur chance à ces moments-là.

Personnages superbes de poésie

Une femme le sauve d’une situation critique en déchiffrant l’ordonnance de son médecin. Elle est belle, sa classe particulière, fière et intrépide, impressionne plus encore que la beauté, et pour couronner le tout, elle se nomme «Venezuela ». Ils font connaissance, il l’écoute beaucoup, elle lui parle de ses insomnies et de mille autres sujets, se confie comme jamais, lui propose de monter prendre un café chez elle. C’est elle qui va lui apprendre à déchiffrer les mots, à épeler, à lire et écrire. Un monde nouveau s’ouvre à lui qu’il observe avec une admiration enfantine. Un matin, il se surprit de voir que « mujer » s’écrivait aussi simplement. Et de s’étonner que pour un personnage aussi considérable, l’espagnol n’ait pas créé de mot plus difficile…

Bonnefoy crée des personnages superbes de poésie. De cette femme, Venezuela, il dira: Il y avait chez elle autant d’élan que de solitude et d’un cambrioleur aux méthodes de gentleman: Quand il marchait, il donnait l’air d’être suivi par un destin immense. Ils sont tous démesurés et tragiques, ces personnages qui cherchent à  faire de leur vie une œuvre d’art, tous aimés de leur auteur qui semble leur dédier son style foisonnant d’images et de précisions délicates. C’est donc avec l’histoire d’un homme qui découvre l’écriture que le jeune Miguel Bonnefoy entre en littérature. Traitant de l’essentiel, du langage dans la vie d’un homme, et de son destin d’explorateur, il signe un premier roman d’une vitalité, d’une générosité exceptionnelles, lumineux comme on en voit rarement.