Faute de papier, on peut toujours demander au médecin d’écrire son ordonnance sur une table. Puis la promener sur son dos jusqu’à la pharmacie du bidonville. C’est comme ça que commencent les tribulations d’Octavio. Il mérite qu’on le suive à la trace : ce grand Vénézuélien analphabète va bientôt tomber amoureux d’une charmante insomniaque ; travailler pour un « cambrioleur délicat » qui « n’envisageait le crime autrement qu’avec rhétorique » ; gagner sa vie en portant des gens qui veulent traverser un torrent tumultueux. Les bons contes ne font pas toujours les bons écrivains. Le genre est casse-gueule. Il exige poésie, humour et même un minimum de réalisme pour ne pas sembler hors sol. Miguel Bonnefoy sait doser tout cela. Avec un style impeccable, ce jeune Vénézuélien qui vit à Paris signe un premier roman picaresque assez irrésistible, qui s’inscrit dans la veine magique creusée par Garcia Marquez.

Article de Grégoire Leménager à propos du livre Le Voyage d'Octavio, et publié en septembre 2015 dans L'OBS.