« L’un des livres les plus réjouissants de la rentrée, pour moi, est « Jungle » de Miguel Bonnefoy, paru dans la collection « Démarches » (éditions Paulsen). Révélé par « Le voyage d’Octavio », un premier roman très maîtrisé, auréolé en 2015 par la mention spéciale du prix des 5 continents, ce jeune auteur franco vénézuélien de 29 ans propose ici un autre voyage, le sien. Une expédition récente, de deux semaines, où il a gravi l’Auyantepuy, dite la montagne du Diable dans l’état de Bolivar au Venezuela. Expérience extrêmement éprouvante pour Miguel Bonnefoy (il est le moins sportif du groupe composé de 14 hommes), le récit avance comme on défriche un chemin inconnu. Mais la réussite de cet anti-guide touristique est que l’explorateur amateur raconte ici cette aventure avec tellement d’humilité, de sincérité, voire de naïveté, qu’on est emporté, aspiré par cette ascension infernale, ébloui et terrifié par cette terre vierge de trace humaine. Et pour finir on
tombe littéralement dans le vide, en même temps que l’auteur qui descend en rappel, pendant sept heures, les cinq cents mètres de la montagne. Une bouffée d’énergie particulièrement revigorante en cette époque anxiogène et surtout une réflexion pertinente sur l’écriture, puisque le défi de Miguel Bonnefoy est, au-delà de la survie physique, de trouver la langue la plus juste et la plus réelle pour servir cette nature sauvage, cette jungle qui ne tolère aucune faiblesse, aucune facilité, aucun écart. Défi accompli !