Où un paysan analphabète se réapproprie l’histoire de son pays, le Venezuela.

C’est une rencontre entre un Vénézuélien et son pays. Entre un homme et une femme. Entre un analphabète et l’écriture. Entre un être et un mythe. Entre un peuple et son histoire. Dans “Le voyage d’Octavio”, un premier roman qui emporte par son écriture classieuse et poétique, Miguel Bonnefoy (né en 1986), lui-même de nationalité vénézuélienne bien qu’il vive à Paris et écrive en français, orchestre une histoire lumineuse à la fois simple et évoluant sur des strates multiples, où résonnent les échos de la riche tradition littéraire des Latins d’Amérique.

“De ce monde, il ne prenait que l’oxygène: au monde, il ne donnait que son silence.” Octavio est un paysan solitaire à l’existence modeste. Pour échapper à la honte de ne savoir ni lire ni écrire, il dissimule son incapacité sous un bandage, prétextant avoir la main blessée. Jusqu’au jour où il rencontre Venezuela, une comédienne qui évolue dans les beaux quartiers. Elle n’est pas sans ignorer qu’il appartient à un autre monde que le sien,mais prend plaisir à partager sa compagnie. C’est elle qui va l’ouvrir à la chose écrite. Un jour pourtant, se soumettant à l’ordre de Guerra, chef d’une confrérie de cambrioleurs pour laquelle il officie, Octavio se retrouve dans la maison de sa bienaimée, qu’il doit dévaliser. Le face-à-face est sans issue, et tourne à la fuite. Pour Octavio, un grand voyage commence alors.

Après l’initiation inespérée à l’amour et à l’écrit, c’est à la découverte de son pays, de la beauté majestueuse de ses paysages, de ses habitants et de son histoire qu’Octavio va partir sans le savoir. Il comprend vite ce qu’il peut y puiser. “Cette traversée était devenue vitale pour lui tant l’alchimie qui s’y opérait trouvait, dans le torrent de son âme, son sens unique et véritable.” Le mendiant quitte alors ses lambeaux, l’homme se redresse, forçant le respect de ceux qui le croisent, alimentant bientôt la légende. “Dans sa marche, il avait pour le monde un dévouement presque poétique. Certains parlaient d’un géant né d’un torrent, d’autres d’un esclave arraché à la liberté. Quand on lui demandait, il répondait qu’il venait de la terre.”

Lauréat du prix du Jeune Écrivain de langue française en 2013 (qui avait notamment révélé Marie Darrieussecq, Jean Baptiste Del Amo et Antoine Bello) pour sa nouvelle “Icare”,Miguel Bonnefoy déploie dans “Le voyage d’Octavio” une maîtrise rare. Il y a de l’épique, du luxuriant, du merveilleux, de l’onirique dans ce texte que des éditeurs étrangers ont d’ores et déjà acheté – fait rarissime pour un premier roman, d’autant que tout s’est joué sur manuscrit.