Bien sûr, il eût pu être le fils d’Yves Bonnefoy : la même recherche de pureté les anime tous les deux. Mais Miguel n’a pas 30 ans et son origine à moitié vénézuélienne J’autorise à se perdre dans un premier roman picaresque, dont l’action se situe dans un bidonville de Guaira. Octavio, analphabète, porte sa honte à l’insu de tous, multipliant les stratagèmes pour échapper à l’humiliation. Il va jusqu’à se blesser systématiquement la main quand il doit prendre la plume, et cherche dans la nature le sens de ces dessins humains qui le contrarient. Mais au-delà de l’histoire d’Octavio,
c’est un mythe qui nous est rapporté, une vérité intemporelle qui rend hommage à la Terre, à l’Eau plutôt qu’à l’Homme. A cause de son illettrisme, Octavio est, en effet, viscéralement plus
réceptif aux langages du cosmos. Ses sens sont exacerbés au point de dompter cette Nature qu’il fait sienne. Miguel Bonnefoy, après avoir été lauréat 2013 du Prix de jeune Écrivain de langue française, signe ici un roman à la fois court mais dense, ancestral parles superstitions, les croyances populaires et les savoirs anciens et en même temps très moderne par la présence de  personnages emblématiques tel Alberto Guerra, sorte de gentleman cambrioleur de charme qui nous donne des leçons de racket avec beaucoup d’élégance.

Article à propos du livre Le Voyage d'Octavio, et publié en janvier 2015 dans Focus Vif.