Au fond, toute fiction se résume à un simple récit d’initiation pour ses personnages Le destin d’Octavio, le héros du roman de Miguel Bonnefoy, n’échappe pas à la règle « Personne n’apprend a dire qu’il ne sait ni lire ni écrire Cela ne s’apprend pas » S’il est doté d’une force herculéenne, ce « colosse au cou épais » n’en a pas moins un talon d’Achille il est analphabète Ce mal qui le ronge, Octavio devra l’affronter alors qu’il se rend à la pharmacie N’arrivant pas à déchiffrer un mot à la fin d’une ordonnance, la responsable de l’officine, surprise, demanda a son client ce qui était noté sur ce bout de papier griffonne Et le malheureux, décontenancé, ne put répondre que par le silence Enfin, la cause est peut-être aussi la beauté de cette femme prénommée comme le pays ou tous deux vivent – Venezuela -, et qui va lui apprendre les rudiments du langage cent Avant d’être pharmacienne, elle a connu une carrière d’actrice Entre ces deux blessés de la vie, le courant passe.

Mais une autre rencontre va quelque peu modifier l’odyssée d’Octavio Rutiho Alberto Guerre, roi des petits boulots plus ou moins honnêtes, aujourd’hui à la tête d’« une confrérie de vieux cambrioleurs qui ressemblaient a des alchimistes, tous décidés a revenir a une époque où la crasse et la rusticité n’étaient pas encore entrées dans les mœurs » Ce sera le début d’une odyssée picaresque pour le candide Octavio, qui va rapidement s’interroger sur la relativité du Bien et du Mal

Salué par le prix du Jeune Écrivain (qui révéla notamment Marie Darrieussecq, Marie NDiaye ou Antoine Bello) pour sa nouvelle Icare, Miguel Bonnefoy réussit ses débuts dans le genre romanesque avec ce très maîtrise Voyage d’Octavio, mélange étonnant d’une histoire simple à la Echenoz et d’un conte issu du réalisme magique sud-américain Détournant l’histoire de saint Christophe, ce Vénézuélien – écrivant en français – transforme une fable naïve en parabole morale, historique et politique Précision ce prodige de 27 ans, amoureux de mythologie, n’a aucun lien de parenté avec notre poète national Yves Bonnefoy. Lien du sang ou pas, la relève littéraire est assurée.

Article de Baptiste Liger à propos du livre Le Voyage d'Octavio, et publié en février 2015 dans Lire.