Parmi les cinquante-neuf premiers romans de janvier, ne manquez pas « Le Voyage d’Octavio », virée pleine de panache et d’émotions.

Si vous en avez assez des errements nombrilistes de quadras en mal de sensations fortes, embarquez avec Miguel Bonnefoy pour le Venezuela. Ce jeune écrivain livre un roman magnifique et paradoxal : un voyage épique à tiroirs et à tribulations de seulement 124 pages, imprégné du réalisme magique de Gabriel Garcia Marquez, mais écrit dans un français inventif et somptueux. Si sa langue maternelle est l’espagnol, ce jeune homme de 27 ans, parisien depuis sa terminale, considère le français comme la langue des lettres. D’où sans doute sa manière de polir chaque phrase comme un objet précieux, de l’incruster de mots chatoyants et poétiques qui font sonner son texte comme des bijoux sonores. La langue est au cœur de cette fable bouleversante. Paysan d’un bidonville vénézuélien, Octavio reçoit la visite d’un médecin. En mal de papier et de crayon, celui-ci rédige son ordonnance directement sur la table d’Octavio, avec un morceau de charbon. Il faut suivre ce jeune géant jusqu’à la pharmacie, sa table sur le dos, pour comprendre sa détresse et sa honte de ne savoir point lire. Et le voir s’entailler la main pour expliquer à autrui que, désolé, il ne peut pas écrire. En le sortant de sa condition d’analphabète, une belle insomniaque au prénom prédestiné de Venezuela lui ouvre les portes de la connaissance et de l’univers. « Les illettrés reviennent du silence comme les malades de la peste. […] Ils ne cessent de montrer leurs blessures. » Au travers du périple d’Octavio à la recherche de lui-même. Miguel Bonnefoy décrit un pays débordant de sève, où les personnages ont toujours l’air au bord de l’ivresse, atypiques et attachants, tels ces gentlemen cambrioleurs : « Ils devinrent si miséreux que, du côté du péché, la morale penchait pour eux. » Simplement magique.

Article de Olivia de Lamberterie à propos du livre Le Voyage d'Octavio, et publié en janvier 2015 dans Elle.